jeudi 19 septembre 2019

B.

J'ai osé te demander, dans un rêve, si tu avais prévu tout ça.
Parce que le rêve était doux et que tu avais l'air bien. Te voir ainsi a rendu mon chagrin insupportable.
Il fallait que je sache. Parce que tu es partie sans rien dire.
Te parler était bon. Même pour dire ça. Même si toi tu n'as rien dit.
Il fallait que je sache si tu savais que tu allais tous nous laisser seuls.
Tu m'as souri mais tu n'as pas répondu.
Je sais que mon cerveau n'a pas la réponse. Je sais qu'il ne fait que supposer. Je sais que c'est lui qui invente tout.
Alors j'ai juste profité de ce rêve pour te parler, et j'ai juste profité du moment où rien n'existe, au moment du réveil, pour me repasser en boucle ce moment avec toi, même si tu n'as pas répondu…
Alors après m'être réveillé, je n'ai rien fait. Pour en profiter.

C'est bon de te parler.
Et a force d'y repenser sans, surtout, ne rien faire pour ne rien abimer, je me suis rendormi. Et comme ça m'est déjà arrivé parce que pleurer est épuisant, j'ai fait un nouveau rêve dans lequel, là, j'ai pu pleurer sans m'arrêter.
Ça m'est déjà arrivé.

Faut-il en avoir du chagrin, pour qu'un rêve de toi soit si souvent suivi d'un autre rêve où je pleure.
Et à mon réveil je pleure cette fois en vrai, parce que ça n'a pas suffi.
Un trou dans le cœur.


mardi 29 janvier 2019

Le cinéma


Je pose les 5 cartes UGC solo à côté de mon ordi, sur mon lit.
Je viens de tomber dessus en cherchant ma carte étudiant.
Je n’ai pas voulu les rerentrer dans ma sacoche. Je veux les avoir encore un instant sous les yeux.
On avait dit qu’on irait ensemble. Il y en a cinq, ça nous aurait fait deux cinés et demi.
Un demi film. Ou alors ils nous auraient fait promettre sur l’honneur de garder un œil chacun fermé tout au long du film.
Je ne sais pas comment ils font quand on a une demi place.
Je n’allais pas y aller tout seul. On avait dit qu’on irait.
Donc je pose les cartes UGC là, à côté de l’ordi pendant que je travaille.

Et je n’ai pas envie d’y aller. Je les ai ressorties en me disant chouette, des films. Comme c’est pas souvent que tu as de petites bonnes nouvelles, comme quand tu trouves tout un kitkat dans un vieille poche, et bien conservé.
J’ai commencé par me dire chouette et puis j’ai pensé qu’on devait y aller tous les deux, alors j’ai voulu les avoir près de moi avant de les ranger, un peu.
Et je me dis imperceptiblement, comme si je ne voulais pas entendre, que je crois que je n’irais pas. Parce que c’est un peu doux d’avoir ces cartes à côté.

Et le truc vois-tu c’est que ma sœur me choppe, de son taf, ou alors quand elle achète des trucs promotionnels, elle me choppe parfois des petites bonnes nouvelles comme ça, comme des kit kat, parce que je suis son petit frère pauvre. Et là c’est des cartes UGC pour aller voir des films.
La dernière fois que je suis allé voir un film c’était il y a plus de deux ans je crois. Et ces cartes je ne sais pas comment ça marche.
Alors j’adore le cinéma, j’ai toujours adoré ça.
Mais imagine, si j’y vais. Que les mecs me demandent ma place. Que je leur file une de ces cartes.
Et qu’il la garde.
Et que quand j’y retourne, ils font pareil.
Ils la gardent.
Je ne sais pas comment ça marche. Ça fait trop longtemps que j’y suis allé la dernière fois. Je  ne me souviens plus.
Mais si j’y vais et qu’ils la gardent.
Alors que tant qu'elles sont là je me souviendrais de quand je les tenais dans la main et que j'ai dit que chouette on ira au cinoche.

Mais si j'y vais et qu'ils les gardes...


J’en aurais plus.
 Et si j'y vais et qu'il me les rendent...
 

Alors qu’on avait dit qu’on irait ensemble.
j'ai peur de ne plus rien avoir à regarder à côté de mon ordi.
Alors que là c’est doux.

mercredi 16 janvier 2019

... aux pieds d'argile. Tellement d'argile qu'il ne bougeait pas pour ne pas mourir.

Cette nuit j'ai rêvé de Rebecca.

Je ne comprends pas très bien pourquoi elle est revenue me voir avec son manteau et ses mains sur ses genoux.
En fait c'est plutôt moi qui suis venu puisqu'à peine je suis rentré dans la pièce que j'ai reconnu que j'étais chez elle. Dans un chez elle qu'elle n'a jamais eu puisque l'endroit ressemblait davantage à un endroit malfamé dans lequel je pourrais vivre, moi, mais qui, faut bien le dire, ne convient pas pour une personne comme Rebecca.
Non parce que Rebecca c'est la nana un peu what the fuck mais qui a toujours été entourée de choses délicates pour te mettre bien.
C'est pour ça qu'immédiatement quand j'ai vu où j'étais symboliquement, parce que si tu te rappelle ça ne ressemble en rien à l'appartement que j'ai connu, je me suis senti bien.
Et triste aussi.

Parce que quand je repense à Rebecca c'est aussi toutes les choses que je n'ai pas bien faites qui suivent de près comme si elles étaient collées au bon souvenir de Rebecca avec cette colle en gel qui reste collée en boule sur ton doigt, quand du décolles les épices de ta paella.
Pourquoi je te parle de paella alors que j'étais entrain de te parler de la douceur de savoir que j'étais dans un environnement familier? Parce que la paella j'ai très vite pu faire quelque chose pour en faire un truc pas trop dégueulasse alors que si tu remarques c'est un truc en conserve assez moyen.Mais avec Rebecca, j'ai toujours eu en même temps que le sentiment d'une profonde douceur celui d'une blessure encore ouverte de sa douleur et de la mienne.
Un enfant qui a cassé quelque chose et à qui on apprend que ça ne se répare pas.
Comme cette colle en gel qui s'enlève facilement mais qui continue à coller partout même des plombes après qu'elle ait trainé partout.

Je pense qu'elle percute qu'on ne s'est pas vu depuis longtemps puisque je sens au fond d'elle qu'elle est un peu surprise d'être là.

Comme si la conjoncture des étoiles étaient favorable une fois tout les cinq mille ans dans un film qui serait bien moins chiant que le Seigneur des Anneaux.
Et quand je te parle de conjoncture des étoiles, si tu est perspicace tu dois avoir compris que c'est façon de parler puisque moi les étoiles ça n'a jamais été un sujet d'avenir mais plutôt un sujet de plusieurs millions d'années dans le passé.
Sauf que quand je vois Rebecca alors là je suis immédiatement propulsé dans un présent qui semble tellement vaste qu'on dirait qu'il s'étend à perte d'horizon au point que dans l'avenir proche on y sera encore.

Et quand dans certains moments tu te retrouves avec quelqu'un et que l'avenir proche c'est encore le présent, je peux te dire que c'est une sensation super cool.

On ne sait pas quoi faire. Non pas comme si on était gênés mais plutôt comme si on acceptait de se laisser un peu de temps pour reprendre contact avec l'espace qu'occupe le corps de l'autre. Je parle de l'espace du corps parce que pour ce qui est de l'esprit Rebecca n'a jamais vraiment perdu sa place donc ça ne change rien.

Je suis content même un peu de retrouve cette emphase mais justement avant de le dire il faut que je renoue avec son corps. Et là je te parle pas de sexe.

ça a toujours été comme ça avec Rebecca. Il y a toujours eu un moment où on se laisse s'appréhender un peu avec, toujours, notre intimité qui nous précède. Et c'est pour ça que c'est pas grave. Parce qu'on est déjà bien dans l'esprit, alors pour exprimer une aisance physique à propos de la présence de l'autre, c'est pas grave.
Elle doit savoir le bien que ça me fait qu'elle soit là.

Je crois que c'est pour ça que le présent s'attarde jusque dans l'avenir proche. Pour nous laisser le temps de tout ça sans avoir l'impression que le présent nous a échappé.
Il y a des gens qui n'ont jamais été doué pour lire dans l'avenir. Je suis de ceux-là.
Alors imagine si à peine arrivé, avant même que je me sente bien, je devais me projeter dans l'avenir avant même d'avoir pu dire bonjour à l'autre, t'imagine pas l'angoisse.

c'est pour ça que je me sens bien.

Elle n'a pas enlevé son manteau et encore aujourd'hui j'ai envie de lui dire pardon pour ça. Parce que j'ai l'impression qu'elle s'est toujours demandé s'il ne faudrait pas qu'elle reparte tout de suite.

Je te passe les détails de ce rêve pas érotique du tout voir même pudique. Rien à voir avec le sexe si tu remarques, mais parfois la douceur et la tristesse du présent qui s'attarde parce que l'avenir n'existe pas, ça peut être aussi fragile qu'une broderie en cristal et moi en tapant au clavier je risquerais de faire trembler tout ça jusqu'à ce que tout ce brise tellement je voudrais en dire.

On rejoins des personnes qui apparemment semblent un peu être un groupe de gens qu'on fréquentait à l'époque où je fréquentais Rebecca. Ce n'est pas vraiment nominatif mais je sais qu'ils sont là.
Moi j'avance dans les rues qui sont le chaos même à cause de l'anachronisme des rêves et des mouvements sociaux dans lesquels ont tombe alors qu'ils n'ont jamais existé à l'époque (et d'ailleurs on y serait pas allé parce que le présent qui s'étend jusque dans l'avenir est toujours totalement apolitique.

J'ai précédé le groupe parce que la réalité en dehors du rêve ne se fait pas trop embobinée non plus et que ces gens aujourd'hui je les vois plus et que c'est pas plus mal.
Donc je laisse Rebecca avec ses amis et moi je me prends des balles de tennis pour éviter qu'elle se les prenne au détour de la rue.

Et quand elle arrive, et qu'elle voit que je l'ai attendu, alors que j'ai encore vachement mal au dos à cause des tires d'Agassi façon de parler parce que c'était plutôt des racailles de la BAC, quand elle me retrouve, je vois à ses yeux que déjà tout est terminé. Sans doute ma réalité qui surveillait le bon déroulement  de ce rêve à cause du groupe d'ami qui nous accompagne a eu raison de nous et a rappelé à Rebecca qu'elle a repris depuis bien longtemps sa vie en main après moi et que moi je reste là avec mon mal de dos et mon regret de ne pas l'avoir vu assez longtemps.
Alors elle me dit très triste, mais plus pour moi que pour elle, "oh mon Franck, mon pauvre Franck, je t'ai abandonné...".

Et là je sais que je vais me réveiller parce qu'il faut que Rebecca et les autres reprennent le cour normal de leur existence.
C'est déjà très gentil qu'elle se soit arrêté l'espace d'un instant pour venir me voir.
Venir me voir où je n'ai jamais cessé d'être.