lundi 27 août 2018

Portrait de famille à la LaChapelle

Ça parle. Ça parle. Ça parle et ça dit qu’ils sont de leur génération (la mienne), en parlant de jeunes qui font aujourd’hui le travail qu’ils ont fait eux en leur temps et qu’ils ne veulent pas travailler plus que le neuf heure/dix-huit heures.

Ça me demande comment je vais. C’est chaleureux. Ça n’écoute pas la réponse. Ça précise en riant que je n’ai pas « changé de bord » parce que j’ai du vernis sur les mains que je n’ai pas jugé utile d’enlever. Ça rit à cette remarque. Ça a précisé pour rire. Mais ça a précisé quand-même.

Ça n’aime pas notre époque. Ça n’aime pas notre temps. Ça n’aime pas cette identité. Je suis là et j’entends à quel point ça n’aime pas tout ce qui me constitue en tant qu’être, peut-être.
Ça m’a redemandé ce que je faisais. Ça saute sur l’occasion d’un mot de quelqu’un d’autre pour changer de sujet sans avoir commis l’impaire de me couper la parole. Ça a un ton de bienveillance sans borne et ça dit avec le rire gêné de l’impératif des choses qu’il serait mal venu de discuter. Le rire c’est pour apporter la gentillesse qu’ont les gens qui n’en n’ont pas vraiment.
Je me demande si c’est bien utile que je reste. Ça a l’air gentil. Ça a l’air intéressé. Ça dit ce que ces gens pensent souvent, mais ça le dit avec plus de conviction et beaucoup plus d’évidence parce qu’ils sont entre personnes qui se comprennent bien.

Ça utilise des termes précis, qui sans doute ne veulent rien dire, c’est juste pour dire.
Sans doute.
Mais les autres sont de toute façon totalement d’accord. Ça sait tout ça grace à l’age. Ça a mieux compris toutes les choses de la l’existence grace à l’argument d’autorité que moi aussi je connais. C’est la raison pour laquelle je n’ai même pas songer un seul instant à interrompre qui que ce soit.
Parce qu’ils me semblent être entre eux et vouloir mourir entre eux loin d’ici et de maintenant. Parce que c’était mieux avant.

Je me demande comment font les vieux qui semblent si connectés encore aujourd’hui avec le monde qui les entourent.
J’en connais. Ils en connaissent aussi. Et pourtant ici et maintenant je me dis que malgré les apparences, non, on ne pourra jamais vraiment discuter avec mes parents et les oncle et tante qui sont venus nous rendre visite ici aujourd’hui.  Parce qu’en lieu et place d’une famille, je sens flotter dans l’air une sorte de condescendance urgente de celle qu’on veut à tout pris avoir avant de mourir.

Je me demande s’il n’y a pas quelque chose d’autre à laisser lorsqu’on a tout fait et qu’il nous reste encore du temps. Autre chose que l’amertume.
Je me demande ce que je fais là. Alors je leur demande de bien vouloir m’excuser et je me lève.