Ce matin je me
suis réveillé avec des messages de Dorothy. Ils étaient adorables.
Quand on est
toutes griffes dehors avec Dorothy, elle a toujours quelque chose de fragile
qui est très beau.
Elle répondait,
ou plutôt me questionnait sur la raison de mon message d'hier soir. J'ai annulé
notre rendez-vous de ce matin.
Parce que je
n'en peux plus. De faire du surplace. De faire marche arrière. Et de cette
culpabilité à ton égard.
"Je n'en
peux plus d'être lâche. Je n'ai pas dormi de la nuit...". C'est faux, je
me suis endormi assez tard, après avoir lancé une série, au beau milieu de la
nuit. Et maintenant que je vois la bouteille de vin blanc mousseux que je ne me
souvenais plus d'avoir en réserve (je l’avais acheté pour le cas où Dorothy
viendrait à l’improviste), je me dis que c'est dommage de ne pas l'avoir
ouverte. Ça m’aurait sûrement aidé à dormir.
Parce que ma
soirée a commencé après m'être pris dans le ventre l'impression foudroyante d’avoir
tourné en rond depuis tout ce temps, sans trop savoir ce que signifie le
"tout ce temps". Le passé qui ne cesse de revenir dans le présent
alors que je le croyais cantonné au passé, le futur qui s'échappe dans un
futur qui semble, lui, par contre, trop loin
pour moi, et mon présent qui s'est transformé d’un coup en soirée en la mémoire
de, comme ces émissions de télé de mauvais goût dans lesquelles un animateur
qu'on a mis là pour lui faire faire son baptême du feu lancerait des séquences
un peu brouillonnes, parce que pendant ces émissions on n’a jamais assez de matière
avec la vedette décédée, donc on y met plein de choses. Avec une phrase écrite
à l'avance il enverrais à notre écran une suite de presque-vieilles images pas
vraiment d’archives qu’on se souvient même avoir vu en direct.
C’était ma
soirée. Des émotions rances que je trouve encore là. Les personnes auxquels
elles se rapportent n’ont plus vraiment d’importance, il ne reste de tout ça qu’une
photocopie de photocopie, trop contrastée et abîmée. Et c’est ça qui me rend
triste et qui me donne la nausée. Je ne supporte plus de tourner en rond dans
un passé tiède et ressassé mille fois.
Alors j'ai
envoyé dans la nuit un message à Dorothy, sachant bien qu'elle ne comprendrait
pas. Parce qu'elle me prend pour quelqu'un de sensé la plupart du temps.
Je lui ai dit
que j'en ai assez de ne pas faire les choses qu'il faut faire. Elle me dit de
ne plus la contacter.
Je suis encore
dans mon lit et les choses ne passe pas. Le temps vient de s’arrêter. Encore. Ça
aussi c’est une sensation que je connais. Je me méprise d’avoir si peu d’imagination.
Je ne veux pas boire parce que c'est ce que
j'ai fait dans le passé. Je ne veux pas non plus rester dans mon lit toute la
journée parce que ça aussi je l'ai fait. Je pourrais me noyer de chanson à fond
dans mes écouteurs, mais toutes les musiques que j’aurais envie d’écouter
appartiennent déjà à d’autres périodes de ma vie. J'aimerais bien aller prendre
ma douche, me raser, me peigner, laver des sous-vêtements dans ma douche, parce
que je n'en ai plus évidemment. Je me sécherais bien les cheveux pour ne pas
qu'ils fassent de noeuds. Je m'habillerais avec les vêtements propres qu'il me
reste et après avoir fait mon lit, je me loverais dedans et m'enverrais toute
une boîte d’anxiolytiques.
Et quand on me
trouverait, on trouverait quelqu'un de propre, dans des vêtements propres, qui
présente bien.
Pour donner une
bonne image de moi.