lundi 21 mars 2016

Le dernier matin du monde



Ce matin je me suis réveillé avec des messages de Dorothy. Ils étaient adorables.
Quand on est toutes griffes dehors avec Dorothy, elle a toujours quelque chose de fragile qui est très beau.
Elle répondait, ou plutôt me questionnait sur la raison de mon message d'hier soir. J'ai annulé notre rendez-vous de ce matin.
Parce que je n'en peux plus. De faire du surplace. De faire marche arrière. Et de cette culpabilité à ton égard.
"Je n'en peux plus d'être lâche. Je n'ai pas dormi de la nuit...". C'est faux, je me suis endormi assez tard, après avoir lancé une série, au beau milieu de la nuit. Et maintenant que je vois la bouteille de vin blanc mousseux que je ne me souvenais plus d'avoir en réserve (je l’avais acheté pour le cas où Dorothy viendrait à l’improviste), je me dis que c'est dommage de ne pas l'avoir ouverte. Ça m’aurait sûrement aidé à dormir.

Parce que ma soirée a commencé après m'être pris dans le ventre l'impression foudroyante d’avoir tourné en rond depuis tout ce temps, sans trop savoir ce que signifie le "tout ce temps". Le passé qui ne cesse de revenir dans le présent alors que je le croyais cantonné au passé, le futur qui s'échappe dans un futur qui semble, lui, par contre, trop loin pour moi, et mon présent qui s'est transformé d’un coup en soirée en la mémoire de, comme ces émissions de télé de mauvais goût dans lesquelles un animateur qu'on a mis là pour lui faire faire son baptême du feu lancerait des séquences un peu brouillonnes, parce que pendant ces émissions on n’a jamais assez de matière avec la vedette décédée, donc on y met plein de choses. Avec une phrase écrite à l'avance il enverrais à notre écran une suite de presque-vieilles images pas vraiment d’archives qu’on se souvient même avoir vu en direct.

C’était ma soirée. Des émotions rances que je trouve encore là. Les personnes auxquels elles se rapportent n’ont plus vraiment d’importance, il ne reste de tout ça qu’une photocopie de photocopie, trop contrastée et abîmée. Et c’est ça qui me rend triste et qui me donne la nausée. Je ne supporte plus de tourner en rond dans un passé tiède et ressassé mille fois.
Alors j'ai envoyé dans la nuit un message à Dorothy, sachant bien qu'elle ne comprendrait pas. Parce qu'elle me prend pour quelqu'un de sensé la plupart du temps.
Je lui ai dit que j'en ai assez de ne pas faire les choses qu'il faut faire. Elle me dit de ne plus la contacter.

Je suis encore dans mon lit et les choses ne passe pas. Le temps vient de s’arrêter. Encore. Ça aussi c’est une sensation que je connais. Je me méprise d’avoir si peu d’imagination.
 Je ne veux pas boire parce que c'est ce que j'ai fait dans le passé. Je ne veux pas non plus rester dans mon lit toute la journée parce que ça aussi je l'ai fait. Je pourrais me noyer de chanson à fond dans mes écouteurs, mais toutes les musiques que j’aurais envie d’écouter appartiennent déjà à d’autres périodes de ma vie. J'aimerais bien aller prendre ma douche, me raser, me peigner, laver des sous-vêtements dans ma douche, parce que je n'en ai plus évidemment. Je me sécherais bien les cheveux pour ne pas qu'ils fassent de noeuds. Je m'habillerais avec les vêtements propres qu'il me reste et après avoir fait mon lit, je me loverais dedans et m'enverrais toute une boîte d’anxiolytiques.
Et quand on me trouverait, on trouverait quelqu'un de propre, dans des vêtements propres, qui présente bien.
Pour donner une bonne image de moi.

jeudi 10 mars 2016

Mon courage bien aimé

Alors,
Parmi les choses importantes il y a dans l'ordre
Celle qui m'a appris la bienveillance,
Celle qui m'a appris ce qu'était le courage
Celle qui m'a appris à être un homme
Celle qui m'a appris que la vie n'était pas juste.

Mais avant ça, il y a eu aussi celle qui m'a appris ce qu'était l'humilité... mais je l'ai apprise après coup, forcément.
Puis celle qui m'a appris ce qu'était une femme.
Ensuite, il y a celle qui m'a appris ce que pouvaient être les femmes. Et ça aussi, c'est beau.

Il y a des choses qui ne passent pas. Je pense souvent au courage par exemple. Parce que lorsqu'on apprend le courage c'est qu'on ne l'était pas, ou pas assez. Peu importe que le malaise soit ou non légitime. Alors j'y repense comme une piqûre à la fois dans mon orgueil, et de rappel. Quand on apprend le courage et, par là même, qu'on trouve qu'on en a manqué, c'est comme si, jamais plus, dans notre existence, il ne nous serait donné l'occasion de racheter notre lâcheté (lâcheté somme toute relative... mais après tout, qui est intéressé par la relativité de la lâcheté?).
Quand on a appris le courage, c'est toujours trop tard. Et jamais plus on n’aura l'occasion de devenir la personne courageuse qu'on aurait aimé être. Parce qu'à tout jamais on aura un courage de retard.

Lorsque j'ai appris ce qu'était le courage (la leçon s'est bien entendu développée en moi, durant un certain temps, et dans le détail), il est venu, puisque la leçon de courage vient souvent accompagnée d'une autre leçon annexe, avec bienveillance. Ce qui ajoute la simplicité au constat.
La bienveillance à cet effet de rendre les leçons simples et limpides, souvent.

Aujourd'hui, je suis donc ce type pas vraiment lâche, qui essaie de faire preuve de courage, mais ce type certainement pas courageux, parce que le courage il a vu ce que c'était. Je suis ce type qui n'a pas été courageux lorsqu'il aurait pu l'être. Je suis ce type qui à toujours l'impression qu'il n'était tellement pas courageux qu'il a fallu que quelqu'un lui apprenne. Gentiment. En payant de sa personne.
Parce que lorsqu'une personne est amenée, sciemment ou non, à enseigner le courage à quelqu'un, c'est souvent en payant de sa propre personne.
Je suis ce type.
Celui qui a manqué de courage.
Et qui a fait payer quelqu'un pour ça.