mercredi 20 janvier 2021

Je sifflote

J’ai un peu la nausée en faisant mes courses. Je fais semblant que c’est à cause du café que j’ai bu trop vite.

Je fredonne cette petite chanson en même temps que je regrette d’avoir bu trop vite. Je me demande si je prends ou pas cette boite de céréal. Ils sont bons mais en ce moment je ne mange pas.

La lumière des néons dans le supermarché me met mal à l’aise.

Je marche d’un pas léger et je me concentre sur ma respiration.

Je fredonne.

« Même si tu m'as brisé le cœur.

Et m'a tué.

Et m'a mis en pièces.

Et jeté chaque morceau dans un feu. »

Je sifflote. Même si j’ai bu trop de café et que ça me tourne un peu le bide.

Lala lalala… des Knakies tiens. Mais je ne vais pas tarder.

Tu as laissé tellement de gens derrière toi. Des gens qui t’aimaient tellement plus que moi. Ou en tout cas qui t’aimaient mieux. En tout cas c’est ce que je me répète. Parce que chaque jour depuis deux ans presque je me dis que j’aurais pu répondre plus vite à ce texto que tu m’as envoyé.

Et depuis deux ans que je me chantonne cette petite musique j’ai enfin compris ce qu’elle racontait.

Depuis deux ans je sifflote avec un trou dans le ventre parce que je ne t’ai jamais entendu.

Un texto c’est pas long.

Comme j’ai bu mon café trop vite tout à l’heure j’ai le bide un peu en vrac. Parce que la date approche. Ou bien parce que c’est l’anniversaire des six mois. Ou bien parce que c’est la période un peu après ou un peu avant. Il y a toujours quelque chose à fêter pour célébrer joyeusement et en sifflottant le trou immense que tu m’as laissé dans le ventre.

En sifflotant l’air de rien. Des fois que quelqu'un regarderait et ne comprendrait pas qu’on peut être un peu mort juste de ne pas avoir répondu à un texto.

Et que maintenant c’est ce café qui me fait mal au bide. Parce que je ne mange pas assez.

Et je me demande bien comment je vais pouvoir dire un jour que pour moi tout est un peu fini depuis deux ans. Et je sifflote dans le supermarché.

Parce que je pense au trou que tu as laissé dans mon ventre. Et je suis à peu près sûr que tout est de ma faute.

Le plus dur c’est de ne pouvoir en parler à personne. Parce qu’entre toi et moi il n’y avait persone d’autres.

Alors que tu es une diva et que tout le monde devrait t’avoir connu pour se rendre compte.

Et moi je faisais comme si de rien n’était.

Parfois je vais te voir pour me faire du bien. Et j’aimerais bien qu’il y ait quelque chose après. Mais je ne réfléchit jamais longtemps à cette question. Parce qu’en fait je me dis toutjours que tout ça c’est une blague. Et qu’un jour des gens vont venir et me dire que tu attends derrière la porte. Parce que tout ça c’était un canulard.

C’est facile de croire à une blague quand la seule chose qu’on a reçu c’est un message faisant part de ton départ. Pas de jour précis. Une approximation « il y a quinze jours ». C’est une façon de parler ?

Sur la plaque il n’y a que l’année. Et personne pour me dire. Parce que je n’ai pas répondu à ton message. Et que j’ai manqué beaucoup de chose.

Alors je viens. Avec une bière parfois. Et je ne comprends rien. Mais c’est pas grave parce qu’un jour tu m’attendras derrière la porte et tout ira bien. Et je pleurerais parce que je serais content de te voir.

Je rentre des courses et je conduis relaxe. Parce que je me dis que tout ira bien un jour quand j’ouvrirais la porte. 

 je suis triste et je n'ai pas faim en attendant.