lundi 16 février 2015

L'amertume. Et la tristesse.


Avec Dorothy on a rompu il y a longtemps.
Avec Dorothy, donc, on continue à se voir. Forcément.

Avec Dorothy je sais que quand elle commence par "je peux te poser une question?..." c'est souvent pour elle l'occasion de prendre le temps de glisser un cube de savon dans une chaussette pour procéder à un bizutage en règle sur ma personne, due à ma nouvelle situation de célibataire. Nouvelle depuis plus d'un an.
Mais je n'ai pas fini de payer, je le sais.
"- Je peux te poser une question?..."
Introduction. Développement. Conclusion. Bim!, savon-dans-chaussette.
Bizutage.
Tu as voulu me quitter mon petit bonhomme, tu vas le payer encore longtemps.
Avec Dorothy j'ai étrangement perdu la niak pour ces conversations un peu mono-thématiques. C'est le lot de tout les discours de ce type. J'ai fini, moi-même, par me lasser tout seul de mon propre discourt mono-thématique, à une autre époque.
Donc avec Dorothy j'ai pris l'habitude de ne plus contribuer à ces conversations slash procès. Parce qu'il est question de me faire payer le prix que Dorothy paie aussi. Injustement, pense-t-elle certainement. Parce qu'elle n'a rien demandé, elle.

Il y a plusieurs façons de chercher réparation pour des dommages subis qui ne sont couverts par aucune assurance, le soucis étant de bien introduire la formule (sans quoi le dossier est immédiatement rejeté, tout le monde sait ça). Alors Dorothy frappe - un peu au hasard parfois, semble-t-il - peu importe la question, après une soigneuse introduction.
Et comme la tristesse et l'amertume finisse toujours par porter leur fruits - c'est un fait avéré depuis la nuit des temps : la tristesse et l'amertume on toujours pu le plus facilement du monde engendrer d'avantage d'amertume - elle n'a pas besoin de chercher très loin pour élaborer son argumentation.
L'Humanité a toujours connu une propension à partager ces deux choses plus que n'importe quelle autre chose, alors je n'ose pas en vouloir à Dorothy et à son comportement criant d'humanité. Ou bien secrètement, parfois, mais, à dose saine - un peu comme la reine du Poitou avec sa "colère juste" et ses yeux louchant encore sur le fauteuil présidentiel. 

Ce matin je me suis surpris à penser à un pote.
Il est graphiste freelance.
Elle a entrepris il y a quelques soirs de ça de jeter le discrédit sur sa façon de travailler et de gérer sa vie à coups de petites confidences inter-copines. Son manque d'organisation. Sa façon assez lamentable de gérer sa vie affective, professionnelle. Dorothy m'a regardé pendant qu'elle tentait de démonter chaque points de son existence.
Et pendant que j'étais entrain de le défendre (mais on ne gagne jamais contre l'amertume, surtout si on y est un peu pour quelque chose, et, a-t-on envie de lutter contre de la tristesse...) je voyais se développer le schéma de sa rhétorique.

Qu'on soit bien d'accord, je crois savoir qu'elle l'aime bien, ce pote. Si elle s'en est prise à lui, ce n'est nullement pour lui faire du mal.
Elle sait, seulement, que j'ai une façon un peu hasardeuse de gérer les différentes variables de ma vie. Elle rend souvent tout cela responsable de notre situation actuelle et de sa propre situation, plus précisément, je suppose. Elle sait aussi que depuis quelque temps je prends ma vie en main d'une façon toute nouvelle.
... Et elle sait aussi que regarder ce pote, d'extérieur, travailler chez lui comme ça, ça m'a permis incontestablement de me bouger les fesses et de me mettre au travail.
Alors, je crois savoir qu'elle l'aime bien. Mais en démontant sa méthode, d'une façon incontestable grâce à des confidences entre amis - que je ne saurais remettre en question - c'est mon bien-être d'aujourd'hui qu'elle démontait. Et ça, elle le sait très bien.

Alors que j'étais entrain de prendre son parti il y a quelques soirs de cela, je voyais son schéma rhétorique se développer dans la tête de Dorothy, consciemment ou non, et par là même, je me pensais en mesure de déjouer ce piège.

Ce matin en me réveillant, me suis demandé si finalement je ne suis pas entrain de commettre, avec Dorothy, d'une autre façon, la même erreur qu'il y a quelques années, dans d'autres circonstances: trop supporter, pensant que j'encaisserais. Je me suis demandé si ma motivation pourrait rester intacte face aux attaques répétées de quelqu'un qui fait ce qu'il peut pour ne pas couler, même si ça veut dire me faire couler avec elle.
Ce matin, je me suis dit "bien joué, Dorothy", parce qu'en fait, il y a quelques soirs de cela, elle a quand-même réussi à taper dans le mille. Un peu.
Pas étonnant. La tristesse et l'amertume.

Avec Dorothy j'ai l'étrange sensation, actuellement, d'être entrain de payer une veille dette que j'aurais contracté, il y a longtemps, alors que j'essayais de démonter moi aussi la vie de quelqu'un parce que j'avais la sensation de couler. Et que je ne voulais pas être tout seul.

ça fait peur d'être tout seul quand on coule. C'est normal.