mardi 6 décembre 2011

Prise de notes


Je rentre saoul et je regarde Sex And The City. Carrie Bradshaw parle avec un Burger et a transformé son lit en table de restaurant pour s'envoyer le menu.
Moi j'ai parler toute la soirée avec mon ami de choses avec plein de sagesse et de résignation. Des femmes, de moi et de lui.

On ne fait pas du sexe comme avant. Surtout moi. À cause d'un traitement que j'ai interrompu récemment je suis encore sous le joug de ma libido défaillante. J'ai beau être rassuré par ma goal matinale, ou encore par le fait de m'être réveillé en pleine nuit pour me masturber (oui, quand tu as perdu ta vigueur pendant un mois et qu'elle te revient, tu ne fais pas dans la subtilité. Tu profites dès que possible de ta vitalité) j'ai bien pris conscience de la fragilité et de l'importance que ma petite bite avait dans ma vie. En avais-je besoin? Non. Qu'est-ce que j'ai découvert avec cette expérience? La précarité. La précarité testiculaire.
Tirer son coup? Tu n'y es pas. Juste sentir de désir pour quelque chose monter en soi. Ou le désir pour rien d'ailleurs, mais le désir quand-même.
Aujourd'hui ça va mieux. Chaque fois que je sens ma queue se contracter malgré moi, tu vas rire, mais je me marre intérieurement, comme si c'était une petite victoire sur la mort qui rôde malgré tout pas très loin. Et je te le dis, il n'est pas nécessaire de passer sous un bus pour mourir. Tu peux regarder la bite inutile pendant un peu trop longtemps pour te donner la sensation qu'une part de ton existence s'est envolée au rayon lingerie et qu'elle s'est perdu en chemin dans les fournitures scolaires.
La mort du mec vivant, c'est ça. En opposition à la mort du mec mort. Mais pour ça, on imagine tous à peu près la même chose.

Je rentre saoul donc, et on s'envoie avec mon pote des textos révolté parce que bordel, on a bien picolé et on s'est même pas roulé de pelles. C'est révoltant.
On se dit que oui, peut-être que ce qu'il leur faudrait aux jeunes c'est une bonne guerre et on se dit bonne nuit.

Un mail casse-gueule m'arrive en pleine face à peine rentré chez moi. Il faut dire pour ma défense que dans mon état, il n'est prudent de rien. Même pas d'ouvrir un mail. "Si tu veux, si tu as besoin...", bien sûr que je veux, bien sûr que j'ai besoin.
Tu es saoul, ne réponds pas. Tu verras demain, quand tu pourras faire croire entre deux activités de ta journée buzzy que tu lui as répondu nonchalamment parce que pour toi c'est une proposition acceptable sans être extraordinaire.
Comme je suis un incorrigible éjaculateur précoce, je ponds coup sur coup trois réponses successives, la suivante corrigeant les inévitables erreurs de la réponse précédente bien trop précipitée, tout ceci en m'étant juré que je n'enverrais rien avant demain matin. La troisième est la bonne sur la vie de ma mère je te le promets. Tu coup, celle-là je vais vraiment l'envoyer. Éjaculateur précoce je te l'ai dit. Mais mon insondable expérience du monde retient ma main et je me résous à lâcher l'affaire pour ce soir. L'incommensurable victoire de l'esprit sur la matière (aidé un peu par une putain de faim qui me tiraille le bide).

Pendant que mon existence a semble-t-il retrouvé le chemin du rayon lingerie de chez Zara une autre se perd dans les belles formes lointaines d'une demoiselle sauf que ça ne ressemble pas à la mort cette fois, mais plutôt à un petit moment vie.

Rebecca, une nana avec qui j'ai fait les quatre cents coups de la guerre des boutons, s'est tirée encore, à la suite de mon ixième manœuvre douteuse. Cette fois-ci sans préavis et sans solde de tout compte. Il semble que parfois je manque peut-être un peu de classe mais promis, ce coup-ci je ne sais rien. Ça me fait mal au cul parce qu'on n'avait pas à notre actif que les films de Truffaut et de Robert, mais aussi pas mal de bons souvenirs. Aussi.
Et ça compte.

J'en suis là tout de suite à observer de loin les éléments qui se déchainent sur mon récent passé comme un film auquel de mauvais réalisateurs n'auraient pas trouvé de fin, se contentant de répéter les intrigues dont tout le monde s'est lassé. Je décide de tourner les talons et d'aller à la séance de demain. Peut-être. Pas envie de cinéma ce soir.

Je vois les choses passer en regrettant par-ci, en sachant pertinemment par-là et en buvant un grand verre d'eau pour éviter la migraine demain et la gueule de bois.
C'est tout ce qui compte pour l'instant. Pour le reste je verrais un autre jour.

samedi 3 décembre 2011

Je veux pas dormir. J'ai peur.


À peine ai-je fermé les yeux qu'un, deux, trois rêves se succèdent à une vitesse étonnante. Je me réveille en sursaut. Parfois je demande à la personne à côté de moi, quand il y en a une, si j'ai hurlé en vrai ou si c'est dans mon rêve, sur ce même lit, au même instant, que j'ai hurlé. Une voix pâteuse me dit que non. Une voix pâteuse me dira plus tard que non, aucun des voisins ne se sont disputé violemment dans le couloir, au vu et su de tout les habitants.

Ça a été comme cela toute la nuit. Des rêves effroyables et d'une réalité déconcertante. Qui se sont enchainé. Il suffit de fermer les yeux pour que des images angoissantes me passent par la tête, m'entrainant doucement vers un sommeil qui aura tout le loisir d'appuyer sur des images plus vraies. Qui font plus mal.

C'est comme cela depuis plusieurs jours. Et comme je dors seul, en pleine nuit il m'arrive d'avoir peur de fermer l'œil. Peur de revoir d'un coup au fond de ma rétine ces scènes absurdes qui me flasheraient comme sur l'autoroute.
C'est toujours très réel. La plupart du temps ce qui m'angoisse c'est que j'ai l'impression de me tortiller dans mon lit pour me forcer à ouvrir les yeux avant de me réveiller. Puis, après quelques secondes de doute, je sais. Je dormais donc.
"Tu ne m'as pas entendu parler? Tu ne m'as pas entendu dire "ouvres les yeux putain... ouvres les yeux...", vraiment?". Toujours la même réponse.
Non. Et pourtant dans ma peur incompréhensible j'étais bien là les paupières brutalement tenues chacune par une main entre le pouce et l'index, entrain de croire qu'il se passe quelque chose parce que je ne peux pas ouvrir les yeux et que des choses horribles se passent sous mes yeux.
Je veux les ouvrir et j'en viens à me supplier d'y arriver. À m'en faire mal aux globes oculaire.

Quand j'ouvre les yeux, plus rien. Juste la peur de les refermer.

Il n'y a pas de code dans les rêves. Pas de style. Il n'y a pas de clichés d'indice. Au cinéma, pour qu'un film fasse peur il faut respecter un cahier des charges très strict. Les rêves n'ont pas cet impératif. Il te suffit de rêver d'une jeune fille qui se fait déposer par son père. De la laisser passer un après-midi avec toi, dans ton grand jardin à la verdure irradiante d'un magnifique soleil d'été en compagnie de tes frères et d'autres invités. De te mettre torse nu et de vous amuser à vous arroser. De la laisser faire une sieste en haut puis de voir son père arriver, de la voir descendre précipitamment, de souhaiter que son père n'ait rien vu.
Il te suffit de cela, et de te dire que ce rêve sera un cauchemar effroyable. Et il le sera.
Mystérieusement.
Depuis plusieurs jours j'ai peur de fermer les yeux la nuit. Parce que les rêves font ce qu'ils veulent.

J'ai l'impression de rapetisser inexplicablement. De regagner une innocence angoissante, de devoir lever bien haut ma main d'enfant qui a mystérieusement ongles rongés par une peur âgée de trente ans. De lever cette main vers le ciel, pour qu'un adulte vienne la saisir et me rassurer. Avant de dormir il mettrait la veilleuse.
Ce serait bien.