mardi 30 octobre 2012

Comme du ciment pour ne plus creuser

Il ne faut pas remuer le passer mon ami Franck. Il faut laisser les choses où elles sont.
Laisse décanter les choses comme la vase qu'on laisserait retomber au fond d'un bon verre de vin. Un vin doux-amère délicieux ou flotte tout un tas de morceaux de coquilles vides parce qu'il y a cette histoire d'omelettes sans casser des oeufs tout ça.

Avant j'aurais bien tout remuer pour laisser les choses prendre leur place comme ça arriverait sûrement. Mais le temps passe et ça ce sont des femmes qui me l'ont appris. Et le temps passe vite. Parfois même il est devant nos yeux.
Ça ce sont quelques femmes qui m'ont averti.
Parfois il y a une question d'enfant aussi. Et les enfants n'attendront pas. Ça aussi ce sont des femmes qui me l'ont dit.

Avant j'aurais bien remuer les bras fort, pour que de ce chaos se dégage quelque chose qui finirait bien par être compréhensible. Comme le petit artiste en culotte courte que je suis. Prétextant que le nature tant au déséquilibre permanent tu comprends et que de tout ce foutoir va bien se dégager quelque chose de clair et de bon.
Mais le temps passe. Ce sont les femmes qui me l'ont dit. Et je n'ai pas autant de temps que la nature, moi. Et il serait peut-être temps de me presser.
Pas pour un enfant. Pas pour un travail.
Ou je ne sais pas. Pour tout ça peut-être en vrai.

Alors des fois je me dis qu'il y a des questions qui resteront sans réponses parce que je comprends que le temps passe.
Je pense a ces femmes qui m'ont appris çela.
J'aimerais bien leur demander de m'expliquer comment. Pour savoir. Parce qu'elles avaient l'air de savoir plus que moi.
Mais a force d'écoute je me suis pris à essayer aujourd'hui de figer quelque chose à mon tour. Arrêter de courir. Je ne sais pas comment faire, parce que je n'ai plus ces précieux conseils et que moi je n'ai jamais vraiment su que le temps passait si vite.

Enfant.
Maison.
Travail.
Le bien-être d'une vie accomplie.

J'étais trop jeune quand je m'en suis aller. Et aujourd'hui j'essaie sans trop de point de repère de figer ma vie. De l'arrêter part endroit. Comme certaines femmes me l'ont appris.
Mais je ne suis pas sur de savoir.
Sauf que le temps passe. Ça je le sais. Parce que j'écoutais quand on me l'a dit.

Enfant.
Maison.
Travail.
Une vie accomplie.

Ne remue pas le passer a la recherche d'une leçon que tu aurais oublié mon ami Franck. Avance.
Le doute.
Mais avance. 
Ne remue pas le passer pour en attendre un conseil. 

mercredi 24 octobre 2012

Quand j'étais petit je croisais mes mains devant mon sexe comme pour le protéger




I

Elle regarde les gens par à-coups. En levant la tête et en la rebaissant vite pour ne pas qu’ils la regardent dans les yeux.
Pour ne pas qu’ils voient ses yeux en fait.

Elle parle de façon énergique pour détourner notre attention de ses yeux qui ne nous regardent pas. Une voix claire et agréable. On penserait parler à une femme dont le métier est de restructurer poliment des grandes sociétés en foutant des centaines de personnes à la porte. Une voix travaillée pendant ses études à Polytechnique.
C’est juste une femme qui a un œil paralysé. Il regarde droit devant lui. Froid et intrigant.
Elle a du se regarder dans la glace un nombre incalculable de fois, sous toutes les coutures pour apprendre à faire diversion. Un jour elle est sortie de la salle de bain plus découragée que d’habitude. Elle a dit pour elle-même avec une sorte de mépris espèce d’œil de caméléon.
Elle n’a plus jamais essayé de s’accommoder de son œil mort. Alors elle ne regarde plus les gens dans les yeux. Elle préfère baisser la tête le plus souvent.
Si on la regarde dans les yeux, parce que ça ne nous dérange pas, on voit sur son visage une nervosité à peine dissimulée. Alors on baisse les yeux avec l’impression d’avoir été impoli. Et elle restera avec la désagréable impression que son œil mort de caméléon l’isole chaque jours un peu plus du reste du monde.


II


Il y a une espèce d’affront dans ses yeux quand elle regarde son interlocuteur.
Pas un affront aguicheur du genre t’as vu comment il y a un truc entre nous, mais plutôt un truc du genre je fais volte-face parce que je connais ton espèce. Sur le coup je ne comprends pas tout à fait et puis au bout de quelques mots échangés je baisse les yeux sur un décolleté assez beau, tout juste mis en forme par un joli débardeur.
En relevant les yeux je comprends à l’expression qu’elle arbore de quoi il était question depuis le début. Un nouveau regard qui veut dire vous autres, les hommes, vous ne pouvez pas vous empêcher de mater ces deux protubérances comme des macaques. Pauvres petits porcs…
Une pointe de condescendance à mon intention.
C’était donc ça. Je suis comme tous ces mecs obnubilé par quelques centimètres carré de peau dévoilée.

Elle trouve cela méprisant. Elle n’arrive d’ailleurs pas à dissimuler son ressentiment. Elle n’a jamais réussi. Elle n’a en fait jamais voulu. Pour que ça ne devienne jamais une habitude de notre part. De mater leurs seins en toute impunité.
A chaque fois qu’elle est en face d’un homme à qui elle doit adresser la parole, elle n’est jamais vraiment à l’aise. Elle attend toujours le moment fatidique où l’homme va mater ses seins, comme un enfant un peu bête qui ne sera jamais tout à fait civilisé.
Elle n’est jamais à l’aise avec les hommes parce que tous les hommes sont comme cela. Et dans le cas où elle n’a pas percé à jour un de ces hommes, c’est parce qu’il est moins franc que les autres.
Elle se méfie de ceux-là encore plus.
Ceux qui la respectent.

Du coup, il y a quelque chose de curieux qui se dégage d’elle. Elle est en permanence sous contrôle. Et se dégage d’elle une sorte de certitude définitive qui a fini par la rendre un brun antipathique au fil du temps. Sous contrôle d’elle-même, persuadée d’être dans le vrai. Attendant systématiquement l’incartade. Attendant une faute qu’elle imputera non plus à un individu, mais bien à un sexe. Parce que les hommes sont des porcs. Et elle, elle le sait. Et cette certitude plaie à certains hommes. Cet affront les attire comme des mouches, renforçant le peu d’estime qu’elle a peut-être eu autrefois pour les hommes.
 Des singes savants dit-elle parfois. D’adorables petits singes qui sont tout juste bons à baver quand tu acceptes qu’il te paient un verre.
Tout juste bons à rentrer chez eux après t’avoir donné leur petit coup de leur petite queue.